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Utiliser la vidéosurveillance (même illicite) pour prouver la faute d’un salarié ? Les juges confirment que c’est possible

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Un employeur constate une différence notoire dans ses stocks, ou des erreurs de caisses importantes. Il suspecte un salarié, et souhaite le licencier pour faute grave (vol).

Mais comment en établir la preuve ?

Un employeur va alors décider d’utiliser le dispositif de vidéosurveillance déjà en place dans son établissement  pour surveiller un employé suspecté

L’enregistrement clandestin permet de confirmer ses soupçons et il décide de licencier son salarié pour faute grave. 

Problème : l’employeur n’avait pas respecté les règles applicables (notamment celles du RGPD) en matière de vidéosurveillance.

La preuve obtenue par la vidéosurveillance devient donc illicite.

Jusqu’en 2023, cette preuve n’aurait probablement pas pu être admise devant  les tribunaux. En effet, les juges avaient tendance à considérer que les preuves obtenues illicitement (comme le cas de la vidéosurveillance en l’espèce) n’étaient pas recevables précisément car le moyen employé était illicite.

Et de facto, le licenciement pour faute grave aurait été refusé, et l’employeur condamné pour licenciement sans cause réelle et sérieuse !

Mais depuis le 22 décembre 2023, les juges de l’assemblée plénière de la Cour de Cassation ont substantiellement modifié leur position.

On vous explique tout dans cet article. 

Les preuves illicites n’étaient pas recevables devant les juridictions

Avant 2023, les tribunaux avaient tendance à écarter les preuves obtenues de manière illégale, comme des images de vidéosurveillance non autorisées ou surveillant illégalement l’activité des salariés.

 En effet, peu importait la gravité de la faute relevée, si la preuve avait été obtenue illicitement, elle ne pouvait pas être utilisée tant elle était irrecevable et l’employeur était souvent condamné pour licenciement sans cause réelle et sérieuse alors même que l’enregistrement clandestin apportait la preuve de la malversation du salarié.

Pourquoi les juges rejetaient-ils une preuve évidente ?

C’est en vertu du principe de loyauté dans l’administration de la preuve, qui signifie que les preuves présentées devant un tribunal doivent être obtenues de manière juste et équitable, sans recours à des méthodes trompeuses ou illégales.

La Cour de cassation jugeait donc irrecevable la production d’une preuve recueillie à l’insu de la personne ou obtenue par une manœuvre ou un stratagème (Ass. plén., 7 janvier 2011), même si l’existence de la faute ne faisait aucun doute !

L’application de cette jurisprudence pouvait cependant conduire à priver une partie de tout moyen de faire la preuve de ses droits.

Il existe en effet des situations concrètes ou l’obtention d’une preuve licite est difficilement -voire- impossible.

C’est pourquoi l’Assemblée Plénière dans son arrêt du 22 décembre 2023 opère un important revirement.

Désormais, en cas de litige civil, les preuves obtenues ou présentées de manière illégale ou déloyale ne sont pas automatiquement rejetées devant un tribunal.

Mais bien sûr sous certaines conditions : toute preuve recueillie illicitement ne sera pas automatique recevable !

Un certain nombre de critères devront être réunis. 

On vous les liste juste ici. ⬇️

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La preuve illicite est donc recevable, mais à quelles conditions ?

Tout est une question d’équilibre et de balance entre les différents droits

  • Ceux de l’employeur à licencier un de ses salariés pour faute grave mettant en péril l’entreprise
  • Ceux du salarié au respect de sa vie privée et à la protection de ses données personnelles

Un arrêt de la Cour de Cassation du 14 février 2024 concernant une pharmacie est venu de façon très claire préciser les conditions d’admissibilité d’un enregistrement illicite. 

Il précise :

  • En présence d’une preuve illicite, le juge doit d’abord s’interroger sur la légitimité du contrôle opéré par l’employeur et vérifier s’il existait des raisons concrètes qui justifiaient le recours à la surveillance et l’ampleur de celle-ci. 
  • Il doit ensuite rechercher si l’employeur ne pouvait pas atteindre un résultat identique en utilisant d’autres moyens plus respectueux de la vie personnelle du salarié.
  • Enfin le juge doit apprécier le caractère proportionné de l’atteinte portée à la vie personnelle au regard du but poursuivi.

 Dans cette affaire, les juges ont mis en balance de manière circonstanciée le droit du salarié au respect de sa vie privée et le droit de son employeur au bon fonctionnement de l’entreprise, en tenant compte du but légitime qui était poursuivi par l’entreprise, à savoir le droit de veiller à la protection de ses biens.

Par conséquent, pour qu’une preuve illicite soit admise :

  • La faute doit être grave : 

En effet, la faute présumée doit être suffisamment grave pour que la preuve illicite soit admise. Le vol constitue une faute assez grave justifiant l’utilisation d’une preuve illicite, mais des fautes moins graves (telles qu’un retard ou une divergence d’opinion) ne semblent pas pouvoir justifier l’admission d’une preuve illicite. 

  • Il n’existe pas d’autres moyens pour prouver la faute : 

C’est une condition essentielle. La preuve illicite sera admise en dernier recours. Si l’employeur n’a pas pu prouver la faute par d’autres moyens, alors la preuve illicite sera admise.

Dans le cas de l’arrêt du 14 février 2024, la directrice de la pharmacie avait d’abord suspecté les clients et visionné les enregistrements puis croisé les données d’inventaire et de caisse ce qui l’avait conduite à surveiller l’une de ses salariées. L’arrêt constate ainsi que l’enregistrement illicite n’est utilisé qu’à défaut de succès des autres moyens. 

  • Des mesures sont mises en place pour limiter l’atteinte à  la vie privée des salariés  : 

 La Cour a enfin retenu que le visionnage des enregistrements avait été limité dans le temps, dans un contexte de disparition de stocks, après des premières recherches restées infructueuses, et que seule la dirigeante de l’entreprise avait visionné les images.

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Ce qu’il faut retenir

L’évolution de la jurisprudence de la Cour de Cassation n’est pas un blanc-seing pour l’employeur pour utiliser des preuves illicites et spécialement des enregistrements de vidéosurveillance non conformes au RGPD pour justifier des licenciements. 

En revanche, cette décision de l’Assemblée Plénière et tout récemment de la Cour de Cassation en 2024, viennent rétablir un équilibre entre les conflits de droits : droit pour l’employeur de rapporter la preuve de la faute grave du salarié et droit pour le salarié au respect de sa vie privé et à la protection de ses données personnelles.

Attention ! Les conditions de recevabilité d’une preuve illicite déterminées par la Cour de Cassation devront être strictement respectées.

Confiez-nous votre conformité
on saura la faire passer de 😡 à 😎
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Samia EL HADJJAM
Samia EL HADJJAM
RGPD Fan Account / Master 2 Droit Algorithmique et Gouvernance des Données / Juriste en données personnelles
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