Avec une amende record de 310 millions d’euros, LinkedIn illustre la fermeté du RGPD : les violations des règles sur les données personnelles sont lourdement sanctionnées.Cette décision envoie un message clair à toutes les entreprises : le non-respect des principes fondamentaux du RGPD ne reste pas impuni.
LinkedIn : le leader mondial des réseaux sociaux professionnels
Créé en 2003 et racheté par Microsoft en 2016, LinkedIn est devenu le plus grand réseau social professionnel, rassemblant aujourd’hui plus de 900 millions d’utilisateurs à travers le monde, dont une part significative en Europe. Sa plateforme permet aux professionnels de se connecter, de partager des contenus, de recruter et de chercher des opportunités de carrière.
En Europe, les activités de LinkedIn sont gérées par LinkedIn Ireland Unlimited Company, son siège européen basé à Dublin. Cette entité est responsable de la collecte, du stockage et du traitement des données des utilisateurs européens. Cela place LinkedIn sous la juridiction directe du RGPD, qui impose des obligations strictes pour garantir la protection des données personnelles.
Cependant, derrière son image de réseau incontournable pour les professionnels, des pratiques contestées en matière de publicité ciblée ont attiré l’attention des autorités de contrôle.
La compétence de la CNIL irlandaise (DPC)
En tant que régulateur principal de LinkedIn en Europe, la Data Protection Commission (DPC) joue un rôle central dans l’application du RGPD. Pourquoi l’Irlande ? Parce que de nombreuses multinationales technologiques, comme LinkedIn, Facebook (Meta), ou Google, y ont installé leur siège européen, ce qui confère à la DPC une compétence pour superviser leurs activités dans l’Union européenne.
Selon le mécanisme de guichet unique prévu par le RGPD, l’autorité de protection des données du pays où l’entreprise a son siège principal devient l’interlocuteur principal pour toutes les questions de conformité transfrontalières. Ainsi, la DPC a mené cette enquête, dont les conclusions ont débouché sur une sanction de portée européenne.
Malgré cette responsabilité accrue, la DPC a parfois été critiquée pour la lenteur de ses enquêtes, mais avec cette amende record, elle prouve sa capacité à agir avec fermeté face aux violations.
Manquements reprochés : pourquoi LinkedIn a-t-il été sanctionné ?
L’enquête de la DPC a révélé que LinkedIn Ireland utilisait les données personnelles de ses utilisateurs à des fins publicitaires sans leur consentement explicite. Plusieurs manquements ont été identifiés, portant sur des principes fondamentaux du RGPD :
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1. Absence de base légale valide pour les publicités personnalisées
LinkedIn justifiait le traitement des données personnelles pour des campagnes publicitaires ciblées sur la base de l’intérêt légitime. Toutefois, ce fondement juridique n’est pas adapté lorsque le traitement implique une personnalisation poussée des publicités. Dans ce cas, seul un consentement explicite et éclairé de l’utilisateur est conforme au RGPD.
2. Manque de transparence
Les utilisateurs n’étaient pas correctement informés de la manière dont leurs données personnelles étaient collectées, analysées et utilisées à des fins publicitaires. Les explications fournies par LinkedIn dans sa politique de confidentialité et ses conditions d’utilisation étaient jugées insuffisantes et opaques.
3. Violation des droits des utilisateurs
Le RGPD garantit aux citoyens européens plusieurs droits fondamentaux, notamment le droit de s’opposer à certains traitements de leurs données. LinkedIn n’a pas respecté ces droits, en limitant les options des utilisateurs pour refuser l’exploitation de leurs données à des fins publicitaires.
Ces pratiques constituent une infraction directe aux principes de licéité, transparence et limitation des finalités énoncés par le RGPD.
Ce que LinkedIn aurait dû faire pour éviter cette sanction
Pour se conformer aux exigences du RGPD, LinkedIn aurait dû mettre en œuvre des mesures précises à chaque étape du traitement des données :
1. Obtenir un consentement explicite et éclairé
Pour les traitements publicitaires, LinkedIn devait recueillir le consentement clair des utilisateurs avant d’utiliser leurs données. Ce consentement devait être donné via un acte positif, comme cocher une case dédiée. En outre, il aurait fallu permettre aux utilisateurs de refuser tout aussi facilement ce traitement sans conséquences négatives pour leur utilisation du service.
2. Informer de manière transparente
LinkedIn devait fournir des informations claires, accessibles et détaillées sur les finalités des traitements publicitaires, les données utilisées, et la durée de conservation. Cette transparence est essentielle pour que les utilisateurs comprennent comment leurs données sont exploitées et puissent exercer leurs droits.
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3. Adopter une base légale appropriée
L’intérêt légitime peut être invoqué pour certaines activités de traitement de données, mais il ne convient pas dans le cadre de la publicité personnalisée. LinkedIn devait donc se reposer uniquement sur le consentement explicite des utilisateurs.
4. Faciliter l’exercice des droits des utilisateurs
LinkedIn aurait dû offrir des moyens simples pour permettre aux utilisateurs de gérer leurs préférences publicitaires ou de retirer leur consentement à tout moment.
Un signal fort pour toutes les entreprises
L’amende de 310 millions d’euros infligée à LinkedIn n’est pas seulement une sanction financière. Elle est aussi un rappel que le RGPD impose des obligations concrètes aux entreprises pour garantir le respect des droits des utilisateurs.
Cette affaire est particulièrement importante pour les entreprises opérant en ligne, qui doivent redoubler d’efforts pour respecter les principes de licéité, transparence et consentement. À défaut, elles s’exposent à des sanctions sévères et à un impact significatif sur leur réputation.