Les lignes directrices du CEPD sur la création de compte en e‑commerce invitent à remettre la protection des données au centre du parcours client, qu’il s’agisse d’un compte invité ou d’un compte permanent. Elles rappellent qu’un commerçant ne peut ni imposer un compte sans base légale solide, ni traiter les données comme un simple carburant marketing ou analytique. Elles montrent aussi les tensions entre l’idéal de minimisation et les réalités juridiques (garanties, comptabilité, lutte contre la fraude) qui imposent de conserver certaines informations plus longtemps.
Le message clé du CEPD : pas de compte obligatoire «par confort»
Le CEPD part d’une idée simple : acheter en ligne ne doit pas être conditionné à la création d’un compte client. Le compte est vu comme un traitement supplémentaire qui génère plus de données (identifiant persistant, historique, préférences, profilage), donc plus de risques pour la vie privée et la sécurité. L’exigence de « privacy by design » implique de proposer un parcours d’achat sans compte, surtout lorsque rien, dans la nature du service, ne justifie un espace client obligatoire.
Juridiquement, la création de compte ne peut être imposée que si elle est nécessaire à l’exécution du contrat (par exemple pour un service en abonnement, un tableau de bord continu, un accès à des fonctionnalités essentielles). Dans les autres cas, le commerçant doit offrir un choix réel : compte facultatif ou achat invité, sans pression ni condition cachée. L’utilisateur doit pouvoir bénéficier du même niveau de service de base sans fournir plus de données que nécessaire.
Compte invité : moins de données, mais pas zéro trace
Sur le papier, le compte invité incarne parfaitement l’approche CEPD : collecte limitée, pas de profil client pérenne, moins de risques en cas de fuite.
En pratique, la réalité est plus nuancée. Même pour un achat invité, le commerçant doit recueillir et conserver certaines données : identité minimale pour la facture, adresse de livraison, moyen de paiement, informations nécessaires à la garantie, à la comptabilité, à la lutte contre la fraude ou à la gestion d’un éventuel litige.
Cela signifie que « invité » ne veut pas dire « anonymat absolu » ni « suppression immédiate » après la livraison. Des durées de conservation s’imposent, fixées par le droit fiscal, le droit de la consommation ou les règles de prescription. La cohérence avec le CEPD se joue alors sur deux axes : limiter les données au strict nécessaire (pas de création automatique de profil, pas de collecte de préférences ou de comportement superflu) et expliquer de façon transparentepourquoi certaines informations sont conservées plus longtemps, et pour quelles finalités précises.
Compte invité et fuites de données : un risque différent, pas forcément moindre
Du point de vue du commerçant, le compte invité réduit certains risques mais en ouvre d’autres.
- Côté serveur, l’absence de profil durable limite la quantité d’informations stockées (pas d’historique d’achats sur plusieurs années, moins de données comportementales). C’est positif pour la surface d’attaque globale.
- Côté utilisateur, le mode invité peut paradoxalement favoriser certaines fuites : ressaisies fréquentes sur différents terminaux, utilisation de réseaux peu sûrs, dispersion des données dans des commandes ponctuelles. Exemple concret : si un client passe une commande avec une ancienne adresse e-mail, puis une autre avec une nouvelle adresse, les informations se retrouvent dispersées, ce qui complique la gestion et augmente le risque de violation.
Là où un compte permet au client de centraliser et gérer ses informations (mise à jour d’adresse, suppression d’un moyen de paiement, téléchargement de factures), le parcours invité disperse les données, ce qui impose au commerçant de renforcer la sécurité « au front » : chiffrement systématique, sécurisation des formulaires, limitation de l’affichage, détection de comportements frauduleux, et information claire sur ce qui est conservé et pourquoi.
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Création de compte complet : pas un laissez-passer pour le commerçant
Même avec un compte permanent, le commerçant ne peut pas utiliser les données personnelles « à sa guise ».
Le RGPD impose :
- que le traitement soit limité aux finalités déclarées (gestion des commandes, livraison, service client),
- que les utilisateurs soient informés de manière claire et transparente,
- que leurs droits soient respectés (accès, rectification, suppression, limitation, opposition).
Créer un compte ne transforme pas l’utilisateur en simple fournisseur de données exploitables librement : le contrôle reste entre ses mains.
Protection des données : principes à appliquer
Pour rester centré sur la protection des données, quel que soit le modèle (invité ou compte), plusieurs principes doivent guider la conception :
- Minimisation : ne demander que les données strictement nécessaires, en distinguant obligatoire et facultatif.
- Limitation des finalités : définir clairement l’usage de chaque catégorie de données et ne jamais en ajouter sans base légale adaptée.
- Durée de conservation maîtrisée : lier chaque donnée à une durée justifiée, puis supprimer ou anonymiser à l’issue de cette période.
- Sécurité technique et organisationnelle : chiffrer, journaliser les accès, limiter les droits internes, tester l’architecture, surveiller les fuites et disposer de procédures de gestion d’incident rôdées.
- Transparence : expliquer la différence entre achat invité et création de compte, ce que cela implique en termes de données, bénéfices pour le client, conservation, et fournir des moyens simples d’exercer ses droits.
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Conclusion : la protection des données au centre du e‑commerce
Les lignes directrices du CEPD rappellent que la protection des données doit être au cœur du e-commerce, quel que soit le mode d’achat proposé. L’enjeu n’est pas de choisir entre compte invité et compte client, mais de concevoir des parcours d’achat respectueux du RGPD.
Le CEPD insiste sur un point essentiel : un site e-commerce ne peut pas obliger un client à créer un compte si cela n’est pas réellement nécessaire pour la vente. Le compte invité est donc encouragé. Toutefois, « achat invité » ne signifie pas absence totale de données : certaines informations doivent être collectées et conservées pour respecter les obligations légales, comme la facturation, la garantie ou la lutte contre la fraude.De la même manière, la création d’un compte client ne donne pas au commerçant le droit d’utiliser librement les données personnelles.
Dans ce contexte, la conformité au RGPD repose autant sur les choix juridiques que sur les choix techniques.
En définitive, le respect du RGPD ne constitue pas une contrainte isolée, mais un élément clé de confiance entre le commerçant et le client. Un e-commerce conforme au RGPD est un e-commerce qui informe clairement, protège efficacement les données et laisse à l’utilisateur un réel contrôle sur ses informations personnelles.Ainsi, le choix du CMS e-commerce est essentiel : certains outils proposent des fonctionnalités et des modules qui aident les entreprises à respecter le RGPD, y compris pour les achats effectués en mode invité.


